Sublimation pour cesser de trembler
Quand l’anthropologie s’est proposée de comprendre l’être humain et les groupes humains, elle a développé une méthode stricte et de longs textes très souvent passionnants, mais vraiment longs et dans un jargon passablement complexe. Ranger l’humain semblait une façon. Il en est une autre qui souvent dérange : la sublimation artistique. C’est en 2020 que j’entre dans la discipline anthropologique via un master, et c’est grâce à Pierre-Joseph Laurent, anthropologue au LAAP, que mes BD d’artiste deviennent des carnets d’anthropologue. En vrac, quelques réalisations des Plasticiens de surface, alors ethnologue outsider :



Description & Synthèse : L’expérience de Milgram

Bande dessinée réalisée à partir des expériences enregistrées et du livre de Migram : le sujet principal est l’obéissance. Apparaissent aussi comme personnages, outre Milgram en blouse blanche, Hannah Arendt et Angela Davis. Dans quelles circonstances la violence maligne s’exerce-t-elle ? Pourquoi certains humains sont-ils bourreaux ? Victimes ? Complices ? … Ou pas.

Ethnographie historique à partir des archives de France, dossiers »Anarchiste »/ »Anarchisme ». Les Travailleurs de la Nuit
La scène ci-dessous est extraite des »Mémoires » de Louise Michel. Une particularité de ce projet de bande dessinée est que le texte (sauf les onomatopées) est tiré, soit de Mémoires ( Louise Michel, Victor Hugo,…), soit des archives (PV, procès, télégrammes, revues, affiches,…). Ici, c’est donc Louise Michel qui parle, en voix off et dans les bulles !

5 années dans les archives de France ne couvrent pas l’histoire de l’anarchisme entre 1852 et 1936, mais ce sont déjà plus de 500 pages de récits et descriptions fines offertes par des policiers zélés (et des indics) qui couchent sur papier le réel qu’ils surveillent, discrètement… PV, ordre de mission, missives de suspects, compte-rendus des procès, … Dans chaque département, des dizaines de cartons libellés « anarchiste » révèlent des milliers de documents précieux qui retracent un mouvement aussi fécond que précurseur. Dès le XIXe siècle, les anarchistes explorent et pensent l’antispécisme, les relations inter-espèces, les genres, la classe, la race, l’inconscient, la violence maligne, le capitalisme et colonialisme, les droit des femmes et des enfants, l’homosexualité, le prix libre, … Les penseurs anarchistes réfléchissent le monde avec un Vivant au coeur de l’action révolutionnaire. La révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur, lançait Louise Michel. A quoi Alexandre, pseudo Marius, des Travailleurs de la Nuit, répliquait : J’ai fait ma révolution, que vienne la Révolution.
Sublimation pour cesser de trembler
L’art qui sublime les drames possède (posséder, possession) cette capacité, agentivité merveilleuse de condenser un sujet (parfois en une fraction de seconde), de l’universaliser.

Qui est le monstre ?

Coloniser ChatGPT.
Sublimation anthropologique pour cesser de trembler. Page « actu » dédiée à mes collègues chercheurs du Kivu, en particulier mon amie, ma dada Sylvie Imata, en Etat traumatique à Goma et Bukavu, assaillis par le M23 :
Constatons le dérèglement climatique et les résistances et résiliences en cours en Amérique latine (Alba Yala), dont les processus post-covid de décolonisation des espaces géographiques, physiques et mentaux grâce au groupe de musique mexicain Los Cogelones.
« Comment puis-je me recycler ?
En résumé… La terre est une décharge publique, « La Tierra es une basera ». Ce court-métrage du groupe de musique punk « Los Cogelones » revendique ses racines aztèques pour guérir le monde « malade et triste comme le Jesus des Conquistadors ». Le Terre entière est devenue une poubelle, constate notre héros, défaitiste, qui erre dans un quartier populaire de Mexico, mais quelques activistes et un rêve …
Ce court métrage sublime le déchet avec une pensée décoloniale contemporaine résolument optimiste. Pamphlet et mode d’emploi pour un monde meilleur qui fait avec ce qu’il est ; un déchet. Comme le montre la fin du clip, le pneu perd son statut de déchet pour devenir balançoire. Dans un espace usagé, le lieu, -un terrain vague fréquenté par des enfants-, est une hétérotopie. Le recyclage est action et acteur ; l’action défait humain de son statut de déchet. Dans « Comment puis-je me recycler », c’est le moment où des gens en rue sont rassemblés pour échanger des solutions de « Buen Vivir » (enjoliver l’espace public, planter des arbres, …), c’est un cheminement physique et mental pour admettre ses peurs et l’état poubellocène de la Terre (phase1 du héros), se mettre en lien avec le Vivant (phase2), créer avec une femme (un enfant) et avec ses frères un clip. La métamorphose est permise grâce au déchet, objet agentique, doué de sa propre intentionnalité, qui transforme les relations, de l’intériorité (éco-dépression) vers l’extériorité (seul, en groupe, en famille, en lien). L’art excelle à condenser. C’est donc grâce au déchet qu’un autre monde est possible. Tandis qu’en Occident, la pollution semble une fin (collapsologie), elle est ici un point de départ. Ce clip est donc un mode d’emploi pratique autant qu’une parade métaphysique.
Pratiques (des) monstres, les pratiques démontrent des parades.
- La Parade
la ligne claire
« Parade » est le Testament de Jacques Tati, une ode prophétique au « Do YOU Yourself, do It Yourself » pour résister au biopouvoir. Face au dérèglement autoritaire de la mise au pas moderniste, du fantasque facteur campagnard à vélo à l’automobiliste docile dans son labyrinthe fléché, Tati t’envoie son « Heureux Testament » : « Ploc » … « Ploc » … comme sa balle de tennis!s imaginaire. La parade du réalisateur Jacques Tati face à « la montée du XXe siècle », outils de guérisseur et breuvage du rire. Ce film peut dérouter, sembler naïf ou « simplissime », car ce ne sont que des petites gens qui … à vous de voir, mais à voir, un soir. A la même époque, sur un autre continent, au japon, des artistes subliment l’horreur des bombes atomique : le manga devient une parade pour éviter que le futur ne se répète, pour instruire les jeunes à l’écologie et à la paix.
Savoir situé et sublimation au Japon : le premier champignon de la fin du monde
Mon voisin Totoro constate que les jeunes filles sont des femmes puissantes.
Hiroshimart.
L’explosion des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945 a profondément marqué la culture japonaise, y compris le manga. Cet événement a influencé des générations d’artistes, qui ont exploré les thèmes du traumatisme, de la destruction et de la résilience à travers leurs œuvres. Voici comment la bombe atomique a façonné le manga après la guerre :
Des milliers d’orphelins errent dans les rues des villes., qui poussent le jeune mangaka Tezuka à dessiner. Le souvenir de la bombe hante le dessin de Nakazawa, survivant.
- Une influence sur les récits post-apocalyptiques
L’imagerie de la destruction nucléaire a nourri de nombreux mangas qui décrivent des mondes dévastés et des survivants luttant pour reconstruire leur vie. Exemples notables :
- « Akira » (Katsuhiro Otomo, 1982) : une ville futuriste ravagée par une explosion rappelle le spectre d’Hiroshima.
- « Nausicaä de la Vallée du Vent » (Hayao Miyazaki, 1982) : une société post-apocalyptique cherchant à coexister avec une nature mutante, et une nature mutante protectrice… comme les humains ont du mal à se l’imaginer. Heureusement, la jeune et intrépide Nausicaä veille aux graines…
2. La bombe atomique comme thème central
Certains mangas abordent directement la bombe et ses conséquences :
- « Gen d’Hiroshima » (Keiji Nakazawa, 1973) : basé sur l’expérience de l’auteur, cette bande dessinée japonaise retrace la vie d’un jeune garçon et de sa famille ayant survécu à Hiroshima. Il montre l’esprit de guerre qui anime la société japonaises et l’horreur immédiate de l’explosion et ses effets lent à long terme (radiations, discriminations, souffrances psychologiques). Indirectement, il montre aussi la violence intra-familiale, avec un père qui distribue claques et coups avec allégresse…
- « Le Tombeau des lucioles » (Akiyuki Nosaka, adapté en film par Isao Takahata) : bien que centré sur les bombardements incendiaires, il illustre la vulnérabilité des civils en temps de guerre par une mise en scène poignante. Coeur sensible d’abstenir …
3. La peur du nucléaire et de la mutation
L’ombre du nucléaire est également présente dans des œuvres de science-fiction et de kaijū (monstres géants) :
- « Godzilla » (1954) : « Né » d’une bombe atomique, Godzilla apparaît la première fois au cinéma. Mais il ne va cesser de revenir, influencer les arts japonais dont le manga car il incarne la peur des armes atomiques et de ses effets sur le Vivant. Avec Frankenstein dans un style humain, il est le premier à ma connaissance à sortir « de la science », et non plus de la nature (loup-garou et la lune, sirène, …), d’humains, d’esprits, de dieux (cuisse de Jupiter et autre minotaures). Godzilla mascotte de l’anthropocène ?
- « Pluto » (Naoki Urasawa, 2003) : revisite Astro Boy et évoque la guerre, les armes de destruction massive et leurs conséquences.
La relation à l’intelligence artificielle est variable, mais parcourt les oeuvres des mangakas.
4. Un message pacifiste et humaniste
Le manga d’après-guerre développe un message fort sur la paix et les dangers de la guerre. Osamu Tezuka, influencé par la guerre, crée « Astro Boy » (Tetsuwan Atom, 1952), où un robot incarne un espoir d’humanité malgré les progrès technologiques militaires, comme dans « Le château dans le ciel », de Miyazaki, et bien évidemment, le fantastique « Le Roi et l’Oiseau » (Grimault et Prévert), que deux auteurs mangaka, -Tezuka et Miyazaki-, vénéraient au point d’avoir redessiner chaque plan.
5. Un style graphique influencé par la reconstruction
Après la guerre, le manga évolue vers un médium populaire et accessible, permettant d’exprimer les traumatismes de manière visuelle et émotionnelle. La noirceur de certaines œuvres de Tezuka contraste avec le style plus lumineux de Miyazaki, qui cherche à insuffler de l’optimisme à travers ses récits.
En résumé, la bombe atomique a façonné l’art japonais et le manga en introduisant des thèmes de destruction, de survie, d’adaptation, de mutation et de pacifisme, des prudence et d’espoir, des parades aussi, influençant durablement la culture populaire japonaise, et le monde.
2. La Parade
En occident, on dit « DIY » ,donc, mais le bien-être mental est individuel plus que collectif, tant l’individualisme a pénétré les sociétés du Nord, comme Jacques Tati le pressentait. Pour y échapper, une jeunesse alternative ne cesse de réinventer le carnaval, fait de bric et de brocs, et de rites et de rythmes du passé. Objet ? Constater le dérèglement climatique et les résistances et résilience en cours, dont le processus de décolonisation des espaces géographiques, physiques et mentaux grâce à la réappropriation des espaces publics pour parader et des déchets pour fabriquer les costumes, instruments de musique, etc.
le déchet

Le rire naît de la relation au déchet, à l’humain, ou l’arbre, à la bière et au son (hybride de rires, trompettes, corps, corps, soupirs et rôts… et tambours évidemment. Entrée dans la transe.
L’identité visuelle (et pratique) de Los Cogelones est punk, comme celle du Carnaval Sauvage. L’attrait pour le déchet (canettes de bière ou buse de béton, pour arriver quelque part ou pour reconstruire un biotope marin) et le recyclage (DIY), l’utilisation des archives, de la mémoire, des traces pour retrouver des rites et pratiques passées sont des caractéristiques du mouvement décapitaliste (// décolonial).
Dans les deux espaces, dans le même temps, à Bruxelles comme à Mexico, le Sauvage est un guide, un mentor. Il est désormais le Sage qui guérit, qui sait, qui soigne, qui indique la route à suivre pour reprendre pouvoir sur sa vie, sa ville. Ou pour vivre serein dans la montagne … de déchets. D’où peut-être le regain en Europe pour les sorcières et l’ayahuasca ?
Sublimation ethnographique pour cesser de trembler
Anthropology Art
Mon voisin Totoro constate que les jeunes filles sont des femmes puissantes.
Mon voisin sur l’île constate la disparition de son environnement.
Avant, la jungle commençait ici.
Je nageais ici enfant. Les poissons ont presque tous disparus.
J’ai vu un jour un boa sur la route, sa tête avait été écrasée par une roue d’un véhicule.
Les algues sont très toxiques pour la santé, c’est ce qui se dit.

Une buse de voirie en béton
(c’est fou ce que les buses de béton se perdent, sur cette île)












































