» Personne avilie moralement et physiquement dégradée «
Le « déchet » de François Hollande se nomme « Sans dent », celui de Emmanuel Macron « celui qui n’est rien », celui de Sarkozy « Racaille », et de Jacques Chirac, celui qui produit « le bruit et l’odeur ». J’ai tendance à dire « C’est celui qui le dit qui l’est ». Bien évidemment, déchet humain est une oxymoron qui ne dévoile que la bassesse de son émetteur (c’est encore mon avis).
Les riches ont tiré sur les pauvres un rideau sur lequel ils ont peint des monstres. Charles Booth, l’un des premiers sociologues anglais (19e siècle).

Trop d’une anthropologie différencialiste, qui, à force de relativiser, est devenue incapable de voir l’universel.
Sources : http://digital.library.pitt.edu/u/ulsmanuscripts/pdf/31735066248802.pdf, Pyramid of Capitalist System, issued by Nedeljkovich, Brashich, and Kuharich in 1911. & (Abdennour Bidar, Pour une réforme de l’islam, Télérama no 3393, janvier 2015)
On remarque que sur cette illustration seul l’occident est représenté, illustrant, au détour, le concept de « gauchisme blanc ».
L’être humain comme « déchet social » ? L’irrécupérabilité dans la France des Trente Glorieuses, par Axelle Brodiez-Dolino, extrait
L’usage du terme déchet s’est progressivement étiolé pour désigner l’être humain. Étiolé : car le vocable fut bel et bien présent, et même courant. Trois exemples parmi d’autres, d’autant plus éloquents qu’ils relèvent du champ de la « protection » sociale. Ainsi, pour qualifier les enfants de l’Assistance publique à la fin des années 1900, sous la plume d’un médecin : « Recrutés dans un milieu presque toujours physiquement et moralement taré, nos pupilles représentent vraiment un déchet social. »1 Dix ans plus tard, Édouard Herriot, bientôt président du Conseil puis de la Chambre des députés, dénigrait publiquement les handicapés mentaux : « un sentimentalisme niais nous fait réserver pour les déchets sociaux des soins que nous avons refusés à des sujets normaux »2. En 1951 encore, en conférence aux Semaines sociales, Jacques Doublet, maître des requêtes au Conseil d’État et quelques mois plus tard successeur de Pierre Laroque à la tête de la Sécurité sociale, évoquait les hiérarchies entre « évolués » ou « sains » versus « tarés », « anormaux » ou « déchets humains qui peuplent les asiles et les prisons »3. La France n’est pas une exception puisque le terme a son pendant, certes parfois moins cru, dans les pays voisins : residuum social ou wasted lives (vies-déchets) en Angleterre, minderwertig (de moindre valeur) chez les eugénistes allemands (Cahen et al., 2016). A donc existé une sémantique à périmètre large qui a autorisé, voire banalisé, l’extrême dénigrement. article complet ici.
Une autre histoire du monde est possible

La question de la hiérarchie dénigrante interroge l’anthropologie moderne qui a baigné dans une culture occidentale racisante et différencialiste** de par ses origines (largement fantasmée) civilisationnelles greco-romaine, latine et capitaliste coloniale. L’histoire de l’occident depuis lors décrit un homme blanc créateur et entreprenant au sommet de la pyramide des humains et non-humains depuis des siècles, qui contrôle, observe, analyse et croit comprendre, l’Enfant, la Femme, le Sauvage, la Folle, …
Quelle fantasmagorie !
«Une reconstitution du visage de Cheddar Man, réalisée il y a seulement quelques années, le montrait avec les cheveux noirs, mais avec la peau plus claire et les yeux marrons», reconnaît Chris Stringer, directeur des recherches au musée d’histoire naturelle de Londres. «Il est très surprenant de voir qu’un Britannique, il y a 10’000 ans, pouvait avoir la peau très sombre et des yeux très bleus», explique-t-il à l’AFP. L’article complet est disponible ici.
Comme le Viking qui a changé de sexe, Cheddar man, le plus ancien habitant de Londres, a foncé avec le temps. Le temps pour certains scientifiques de s’adapter à la nouvelle réalité ? Hi Hi comme c’est drôle, parfois, la désoccidentalisation du monde!

- Cette agora « égalitaire » surplombante, ce « Club des hommes », aussi fantasmée que pratique pour se maintenir au sommet du pouvoir, soustrait aux Autres (les catégories minorées) des parties d’eux mêmes, les réduisant à moins que Un : la capacité de créer des oeuvres d’art et des concepts, la capacité de philosopher ou d’intelligibiliser le monde, la plus grande proximité avec la nature (le Sauvage, la Femme) : in-capable d’être aussi « complète » que le maître-étalon.
Cette « Unité » confère à l’adulte humain mâle occidentalisé une supériorité « innée » qui lui confère le statut de « citoyen » qui lui offre le privilège d’éduquer, punir, enfermer, sacraliser (la femme au foyer, le sauvage éduqué), désacraliser (la Création) au gré de ses envies et besoins somme toute bien égoïstes. Cette figure semble obsolète? En 2025, cette masculinité toxique se nomme Trump, Bolsonaro, Milei, Musk, Poutine, Netanyahu,……….. Malmener, agresser, mentir, brûler des enfants, des femmes, des forêts ; trouer des montagnes, des humains, la terre ; « la passion de détruire » est certes bien antérieure à l’Anthropocène, le mâle étant fait.
Une autre histoire du monde est possible. Je trace une généalogie « culturelle », un héritage, une revendication, une filiation omniprésente dans les médias, la politique, l’enseignement, la philosophie, … Autant de rêveries d’une culture figée qui masque la mobilité humaine, la vie et les valeurs et les rencontres des peuples. La circulation du Vivant, des humains en particulier, espèce fort colonisatrice, voire nuisible pour la Terre au demeurant, accouche de synchrétismes aussi hasardeux que créatifs. Ainsi, l’archéo-anthropologie répertorie des dizaines de nationalités/origines sur des bateaux pirates du 17e siècle, et selon David Graeber, ces rencontres mondialisées pirates auraient inspiré les idées des Lumières.
La question du comment se fabrique du vivre ensemble, en paix, dans une société égalitaire, respectueuse, avec un fort Bonheur National Brut (BNB) questionne l’anthropologie depuis ses origines, dans un courant de pensée « progressiste », dont anarchiste.

Pour les passionnés de pirates, de métissages et autres hybridations, d’anarchisme et tout anthropologue ! Cet ouvrage de David Graeber se déroule au XVII e siècle, en ces siècles d’expansion coloniale européenne, tandis que le concept de race se forge, pour justifier, entre autres, l’esclavage.
Histoire, historicité, politique, décolonialité
De l’invention des races et de ses conséquences
2018
XIXe siècle
En 1839 fut publiée la deuxième édition de l’ouvrage de Thomas Clarkson (1760-1846), The History of the Abolition of The African Slave Trade (L’Histoire de l’Abolition du commerce des esclaves). Ce texte fondateur raconte l’histoire du bateau négrier, le Zong, dont la cargaison d’esclaves, décimée par une épidémie, fut jetée à la mer afin que les propriétaires puissent toucher une prime d’assurance, ce qui était impossible en cas de maladie. Lors de cette fatidique traversée en 1781, le Zong transportait 440 esclaves alors que sa capacité n’était que de 220. 133 hommes, femmes et enfants furent massacrés. Cet épisode marqua les esprits et fut à l’origine de la création de The Society for the Abolition of the Slave Trade (La Société pour l’abolition de la traite négrière) en 1787.

The Slave Ship, Joseph Mallord William Turner, 1840
En 1839, sur ce bateau, le « déchet humain » est un humain esclavagisé : être vivant arraché de force à son continent africain, ses maison, famille, tribu, royauté, amis, croyances, … dont il ne reste aucune trace.
A l’inverse, le corps de la « Venus Hottentote », Sarah Barman, réifiée, chosifiée de son vivant. Il existe tant de traces d’elles, parfois moqueuses, racistes, tristes, tellement tristes, illustrations, croquis, mensurations, en deux et trois dimensions, en plâtre ou en stoc. Tout au long de son existence, comme pendant et après sa mort, Sarah Bareman, aura vécu sa vie de femme comme étant seulement un corps physique ne lui appartenant pas, soumis au regard des spectateurs de cirques, d’amphithéâtres, et des curieux de toutes les catégories sociales: un monstre. Sa santé mentale n’y a pas survécu.
Le XIXe siècle est assurément le siècle par excellence de fabrication de théories scientifiques et des concept différencialistes de race et de sexe, dont l’objet est de justifier la supériorité « naturelle » des colonisateurs, et leur mission civilisationnelle. Il se fait que ce « modèle » dominant est un homme occidental européen.
XXIe siècle

Au début du XXIe siècle, des génocides (Soudan, RDC, …), des dictatures (Érythrée) et la misère poussent des milliers d’Africains et Autres Damnés de la Terre à traverser les mers et continents dans des conditions effroyables ; la mer Méditerranée, la Manche, … sont des cimetières. « Selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM), plus de 67 000 personnes sont mortes ou disparues sur les routes migratoires entre 2014 et septembre 2024. » (Source : la Cimade). Sur le sol européen, les politiques migratoires de moins en moins humanistes entraînent des conditions de vie immorales et indignes : absence de logements, violences administratives et policières, rapatriements forcés, …

L’anthropologue Marie-Noëlle Cikuru nomme « humain combustible » les travailleurs et travailleuses des mines du Kivu. Ce terme/concept décrit avec justesse le destin des « Damnés de la Terre » en cette ère techno-extractiviste.
Le médecin, psychiatre et penseur Frantz Fanon nomme « Damnés de la Terre », les peuples qui habitent « la Cale » (Malcom Ferdinand).
Atterris, frère !
Paradoxe ? Avec son titre « Les Damnés de la Terre », Frantz Fanon démontre encore sa perspicacité prophétique. Questionnant le racisme et la négrophobie, le psychiatre et penseur antillais Frantz Fanon, auteur de « Peau noire masques blancs » et « Les damnés de la Terre », pilier de la pensée politique décoloniale et pionnier de l’ethnopsychiatrie propose le concept de complexe d’infériorité du Noir versus (sous-entendu) complexe de supériorité du Blanc.
La Terre est bel et bien cet espace que l’Occident a peut-être oublié d’habité/er (Bruno Latour). Pour ce dernier, si l’homme tient à sa survie en tant qu’espèce, il lui faut apprendre à s’émanciper des grands paradigmes qui le guident depuis les Lumières. « Un plaidoyer pour la philosophie envisagée comme une tentative magnifique et impossible d’embrasser la totalité. » Nous constatons qu’il s’agit d’un « plaidoyer blanc », constaté à partir de la « matrice greco-latine » déjà définie ailleurs, bien différente du « Somos unos ». Une trace possible de la totalité d’être du seul citoyen tel que défini par la culture patriarcale greco-romaine, c’est le patriarche qui le dit- où le « non homme » est propriété de l’homme (cf. féminicide et masculinisme).
Le goût pour la passion morbide et la violence maligne est suicidaire et antérieure aux Lumières => l’homme blanc anthropologisé est acculé : unité des Autres est indispensable, non seulement pour saisir l’universalité, mais aussi pour survivre. Obligation de rendre à l’Autre minoré son individualité, son existence d’être doué de raison, son unité après s’être rendu compte que parvenir à saisir, « à embrasser la totalité » était impossible. Qui doit s’émanciper des « grands paradigmes qui le guident depuis les Lumières » ? Depuis les Lumières vraiment ? Et si l’hypothèse de David Graeber est pertinente, alors … L’émancipation des Lumières consiste d’abord et avant tout à rendre au peuple ce qui appartient au peuple : des modes de société démocratiques modernes inventées par des gueux, pirates, anciens esclaves, femmes entreprenantes, marrons, … bref, des Monstres et des Sauvages !
Hypothèse ? Un Occident catalogiste en mouvement exofuge (division, catégories, expulsion du centre), versus un « Sud global » échangiste centrifuge (syncrétisme, analogie, compromis, consensus)
rien à voir avec une supériorité de l’un ou l’autre
2025. Il est temps de sortir de l’extractivisme, que le concept d’humain-combustible soit du passé.



