écologie périphérique

Black and white photo focusing on a woman and a child from afar.

Écologie périphérique et infrastructures environnementales

Dans la continuité des approches critiques de l’écologie politique, le concept d’écologie périphérique proposé par Jennifer Gabrys (2013) permet de penser les formes d’inégalités socio-environnementales produites par la manière dont les infrastructures, les déchets, et les technologies environnementales sont distribués dans l’espace. L’écologie périphérique ne désigne pas simplement une localisation géographique marginale, mais une condition politique : celle dans laquelle certaines populations, souvent racisées ou historiquement colonisées, sont rendues structurellement vulnérables à la dégradation environnementale, tout en étant exclues des processus de décision et de soin des milieux.

Dans « Program Earth: Environmental Sensing Technology and the Making of a Computational Planet », Gabrys montre comment les dispositifs de surveillance environnementale (capteurs, systèmes de monitoring) produisent une écologie gouvernée par des logiques technocratiques, qui tend à invisibiliser les expériences vécues et les savoirs locaux des populations affectées. Loin d’être neutres, ces infrastructures reproduisent des asymétries de pouvoir et renforcent les marges comme lieux de stockage du rebut, de l’externalité, ou de l’expérimentation.

Sur l’île de Colón, cette lecture éclaire la façon dont les déchets, les pollutions invisibles (eaux usées, microplastiques, etc.), ou encore la surveillance environnementale pilotée depuis des institutions internationales comme le STRI, participent d’une écologie gouvernée à distance, et perçue différemment selon les statuts sociaux ou les appartenances culturelles. L’écologie périphérique devient alors un cadre pour penser les formes d’injustice environnementale liées à la colonialité des infrastructures.

Ce cadre théorique rejoint ainsi les propositions d’autrices comme Liboiron (2021) sur la colonialité des méthodes scientifiques, ou encore Michelle Murphy (2017) sur la distribution inégale de la toxicité, et permet de développer une écologie située, attentive à la matérialité du rebut, à la géopolitique des déchets, et aux expériences sensibles des milieux.