Les pirates de Lumières

Comme d’autres pages de ce site, le contenu est en cours. Je vous résume bien évidemment l’ouvrage, mais « dans mon sens », c’est-à dire en ce qu’il me permet de penser mes propres hypothèses « pirates » et de participer au projet de décolonisation, en compagnie de feu David Graeber.

Dans son introduction, l’anthropologue David Graeber des pirates de Lumières propose une autre histoire de l’occidentalisation du monde, par une autre origine aux « Lumières », bien davantage plébéienne. Lui aussi participe donc à cette « décolonisation » des Lumières (p.10). Dans la lignée de « La Dette », il pense la mondialisation par des influences réciproques (échanges culturels), des imbrications de myriades de cultures dans un réseau « mondialisé » bien avant l’expansion européenne coloniale du XVIe siècle. Il propose une pensée pirate créatrice de l’esprit des Lumières, plutôt que la seule construction organisée d’un occidentalisme capitalistique , replié sur sa factice matrice greco-latine.

Il tacle au passage avec bienveillance les « Anti-Lumièristes » trop radicaux. En ces ères troubles -21 mars 2025-, son appel à une synergie des épistémologies résonne, me semble-t-il, avec vigueur.

Il est largement avéré que les histoires d’utopies pirates circulaient largement et qu’elles ont eu des effets historiques. il s’agit de délimiter l’ampleur des leur propagation et l’ampleur de leurs effets. tout donne à penser qu’elles furent extrêmement importantes. (p. 20)

Une philosophie des Lumières suis generis, dans sa matrice, extractiviste ?Hypocrite, donc et en totale contradiction avec ses principes moraux ? Alors génératrice de déni, voire névrose ? Mère de ce sacré complexe de supériorité ?

Il est amusant de penser les Lumières comme un consensus obligatoire sur une zone de rencontre intense généralement frictionnelle, mais pas forcément.***

Selon David Graeber :

Prélude

Dans son prélude, David Graber évoque d’abord le canular.

Dans les dix premières années du XVIII e siècle, par exemple, , de nombreuses personnes en Europe étaient persuadées qu’un grand royaume avait été fondé à Madagascar pat Henry Avery, capitaine pirate ayant sous ses ordres 10 000 flibustiers (p.15).

La plupart des historiens sont aujourd’hui convaincus qu’on peut en dire autant de Libertalia, la fameuse expérience utopique qui eut également lieu à Madagascar … (idem)

Quand à l’ethnographie…

Si l’histoire est en effet trompeuse, c’est parce qu’elle exclut les Malgaches de la narration. (…) Et c’est cette falsification-là, commise dans un récit fictif, qui encourage les historiens et les anthropologues à faire ce qu’ils sont enclins de faire en toutes circonstances : traiter les activités politiques des gens identifiés comme européens et celles des Africains ou des autres non-Blancs comme deux domaines des recherche entièrement distincts, deux mondes clos et séparés, a priori fermés à toute influence réciproque.

Comme nous le verrons, la réalité est bien plus complexe. mais aussi beaucoup plus intéressante et porteuse d’espoir. (p.17)

La proposition de David Graber est étayée par une recherche ethnographique interdisciplinaire rigoureuse mais qui repose surtout sur des archives écrites trop rares. Ces bribes d’informations semblent pertinentes et les analyses de l’auteur, judicieuses. Mais de société pirate, nulle trace, des « Rois », quelques probabilités, et encore. Pas de villes, voire même villages. -de mémoire, les premières traces archéologique d’un site pirates sur Madagascar sont très récentes (cf. Nota Bene), et peut-être postérieures au décès de Graeber. Même les artefacts sont rares, plus rares que dans les épaves, qui enseignent davantage sur la vie des pirates. Et évidemment, la littérature pirates est largement fantasmée-.

Lecture critique.

Il est extrêmement compliqué, parfois impossible de retracer l’histoire des peuples, davantage dégradable (logement, métiers, sabots en bois, vaisselle et artéfacts en argile, en osier, …) à cause des matières moins nobles. Les archives aussi sont évidemment impactées. La vie d’un pauvre vie résumé en général, en Europe, à une date de naissance, parfois une date de baptème, une date de mariage, et de décès. Le quotidien de marins ou d’esclaves est très peu documenté, réduit aussi à quelques données chiffrées, une date,… Et que dire des traditions orales, des rites « païens », des langues, us et coutumes ? La science tend à réduire l’existant de la Terre à ce qui entre dans son univers et ce qu’elle a pu prouver. Les jésuites ont pu retranscrire quelques codex, la quasi majorité a été détruite. Il ne reste que des fragments.

Comment étudier l’impact des Pirates sur les Lumières? Comment étudier l’impact des Pirates sur le peuple des Lumières, hors salon littéraire ? Comment des histoires pirates ont-elles pu insuffler desservies de liberté et des idées révolutionnaires à la rue ? Aux salons littéraires ? Il serait souhaitable que d’autres suivent la piste de David Graber.Mais il me semble en définitive que bien que David Graeber a pu manquer de sources et de terrain pour construire son hypothèse, et surtout de temps, hélas, elle est séduisante. comment en effet ne pas imaginer, sur un « terrain de rencontre » aussi « extraordinaire » que ce nouveau continent à conquérir, ont cohabité des rencontres singulières.

pour le reste, cependant, les sources sont extrêmement déroutantes (p.21)

Pister le pirate.

Tâche quasi impossible sur une île où tout se recycle tout le temps. L’archipel panaméen de Bocas Del Toro s’y prête complètement. Les ressemblances avec l’île de Madagascar sont frappantes. L’île de Colon se revendique pirates (son esthétique touristique populaire est pirate) ; elle a subi des génocides, de l’esclavagisation, s’est parfois vidée à 100 % de sa population. Même si l’archipel n’existe pas ; Bocas del Toro, c’est les îles, et la côte. Les fuites vers le continent sauvent des massacres et la jungle a constitué une zone de protection en cas d’incursions mais aussi de plus grandes mixités de populations (anglaises, africaines, méso-américaines, française, arabe, … « sans doute »pirates ». Syncrétisme, métissage, créolisation,… Tous termes forcément sensibles et inadéquats pour décrire la violence extrême de la colonisation des « Amériques ». Ce que je suggère, c’est que ce petit monde a bien dû composer ensemble et créer, dans la colonie, une pensée commune à partir de fragments d’identités, dans un « nouveau » monde fantasmagorique où tout semblait possible, y compris résister à ce capitalisme dévorant. C’est ce que propose aussi Graber, qui recherche la colonie pirate « alpha », modèle de « Libertalia », des légendes et des « Lumières ». J’hypothèse des « restes », des traces archéo-anthropologiques de ces sociétés locales « mondialisées » dans le « Buen Vivir », le « Somos Uno’s », et « Comment se recycler » : une pensée rhizomique, -plutôt qu’animisme ou analogisme (Descola), et donc catégorielle ? Mais bon, vous en pensez quoi ?

Lecture de romaniste

La bourgeoisie a tendance à romantiser le pauvre, -sorte de sortilège pour éviter la peur, quand il ne le fait pas monstre ? Romantiser est un terme inadéquat, les descriptions du pauvre étant souvent d’une vraie violence caricaturale. Emile Zola, soi-disant ami des pauvres, de la plèbe, imaginent des antres sales, affreux, sans morale. Le syndicaliste (instruit, blanc et mâle) va faire comprendre aux miséreux pourquoi et comment ils doivent se révolter (Germinal), l’autre culbute sa meuf sur la table de la cuisine devant les mômes, …. David Graeber romantise-t-il les pirates ? Comme nombre d’anarchistes ? Attisés par « Libertalia » ? Le problème, avec les belles histoires, c’est notre envie d’y croire, et si nous sommes scientifiques, de transformer notre croyance (hypothèse) en fait. Le problème avec les pirates et les anarchistes, c’est qu’ils sont les acteurs de belles histoires, monstrueuses, aussi.

Cette histoire me fait penser à une autre. 

Le hasard, les secrets, la rencontre qui ne s’achève pas dans l’assassinat mais dans l’échange, dirait Claude … une idée par-ci, un culte par-là, une plante médicinale là-bas et ici… *** Si comme le propose Graeber, un seul homme a pu construire les « Lumières », c’est un monstre, une chimère indéchiffrable, un Janus, un hybride, en marge..

Angle mort de la science Pirates : *** et des femmes ! Objets dans « Libertalia », actrices de leur destin perdantes dans « Les Pirates des Lumières », résiliantes parmi les résilientes sur Abya Yala, en pleine maturité. Mais si l’on peine à retracer l’histoire des pirates et de leurs rois, que dire de leurs mères, épouses et concubines, filles ? -à la décharge de David Graeber, les femmes sont actrices de leurs destins dans son ethnographie, et non plus, au mieux, monnaie d’échange et/ou objets de viols-, mais ne font qu’une brève apparition, vite évincées par le patriarcat déjà dominant semble-t-il dans cette colonie pirate. Par ailleurs, je cherche le lien entre cette absence de femmes dans les colonies pirates, l’influence des pirates sur l’esprit des Lumières … à l’époque, dans un salon des femmes, on dirait aujourd’hui, atelier non mixte…

Pourquoi l’histoire des femmes au Moyen Âge a-t-elle été si longtemps ignorée ? D’abord parce que c’était les hommes – souvent des clercs, qui maîtrisaient l’écrit – qui produisaient des documents. Ensuite, parce que ce que faisaient les femmes était considéré comme si peu important que l’on ne jugeait pas digne de le conserver. Enfin, parce que les médiévistes n’ont longtemps été que des hommes, bien peu intéressés par l’histoire du « deuxième sexe ». Source : https://www.nationalgeographic.fr/histoire/etre-femme-au-moyen-age-les-chemins-discrets-de-la-liberte-droits-emancipation-epoque-medievale

Filles d’Ève la pécheresse, les femmes de l’époque médiévale vivaient dans un statut d’infériorité institutionnalisé. La Renaissance va fracturer le monde entre nature et culture, s’offrant un sexocide pour asseoir son omnipotence patriarcapitaliste, donc coloniale et extractiviste. Mais à défaut d’archives

La Vierge versus La Pécheresse … L’échec obligatoire et perpétuel de la femme ?

Femme Pirate du XXIe siècle : Autrice : Fatima Ouassak

XVIe siècle : Mary Read

XXe siècle : Phoolan Devi

source : https://www.ledevoir.com/les-as-de-l-info/924393/manga-coeur-revolutions-jeunes

manga

Le pirate est un vieil ami du manga, chez Miyazaki et Tezuka, -comme le robot au grand coeur-. Le pirate est un ancien camarade de l’humain en quête de liberté.

porosité entre la fiction et la réalité : plus sur demande « La bande dessinée dans tous ses états », 1994

Alan Moore offre sans conteste une oeuvre sombre graphique prospective poétique, de politique fiction qui va faire le tour du monde … Le masque de V, avec une histoire totalement déformée. La fin du film en effet trahit l’oeuvre : un bel exemple de manipulation des foules. A lire !!!!!

Souvent, depuis ma rencontre avec V, je me suis replongée dans V et Evey, tome IV. Souvent, je pense : Alan Moore est l’un des auteurs les plus fantastiques du XXe siècle ! V appartient à la famille des libertaires, comme les pirates et les voleurs « à la Robin des bois », comme Phoolan Devi ou Alexandre Marius Jacob.