SPIVAK

« Les études postcoloniales, en tant que domaine, sont traversées par le problème de la représentation : comment les intellectuels, surtout occidentaux, peuvent-ils parler pour les peuples opprimés sans les réduire à des objets d’étude ? Est-il même possible que les subalternes aient une voix audible dans le cadre du discours dominant ? Cette problématique est au cœur de cet essai. »

1. Résumé détaillé de Can the Subaltern Speak?

Introduction :

  • Spivak pose une question centrale :
    Peut-on vraiment donner une voix aux subalternes sans parler à leur place ?
  • Elle critique le risque que les théoriciens occidentaux, même bien intentionnés, répètent des formes de domination en prétendant « faire parler » les opprimés.
  • Elle vise en particulier certains discours marxistes et poststructuralistes (notamment Foucault et Deleuze) qui, selon elle, sous-estiment l’effacement réel des voix subalternes.

Première Partie : Critique de Foucault et Deleuze

  • Spivak analyse comment Foucault et Deleuze veulent « laisser parler » les marginalisés directement.
  • Mais elle montre que leur propre position de pouvoir (en tant qu’intellectuels occidentaux) déforme nécessairement cette « prise de parole ».
  • Selon Spivak, il est impossible de faire parler les subalternes sans médiation.
  • Même dans leur critique des systèmes de pouvoir, ces penseurs continuent d’ignorer les mécanismes qui font taire les subalternes.

Deuxième Partie : Le concept de représentation

  • Spivak s’appuie sur Marx (18 Brumaire de Louis Bonaparte) pour distinguer deux sens du mot « représentation » :
  • « Vertreten » = représenter politiquement (parler pour quelqu’un)
  • « Darstellen » = représenter dans le sens de présenter (mettre en image, rendre visible).
  • Elle insiste : même lorsqu’on veut représenter les subalternes, on les représente aussi symboliquement, et donc on parle à leur place.
  • Il y a toujours un risque que leur voix authentique soit écrasée par l’acte même de représentation.

Troisième Partie : Le cas des femmes subalternes (exemple de l’Inde coloniale)

Conclusion : Peut-on faire parler les subalternes ?

  • Réponse de Spivak : Non, pas sans médiation profonde.
  • Le subalterne, par définition, est celui dont la voix est récupérée, médiatisée, écrasée par les structures de pouvoir.
  • Faire parler les subalternes sans conscience critique reproduit leur effacement.
  • Il est nécessaire de reconnaître l’impossibilité de transparence dans toute tentative de « faire parler » l’autre.

2. Citations de Can the Subaltern Speak?

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Les intellectuels, occidentaux ou non, doivent poser la question suivante : sommes-nous en train de critiquer un système de représentation, ou sommes-nous en train d’assumer à nouveau le rôle de représentants ?

A propos de Foucault et Deleuze :

Lorsque les représentants de la « marginalité » prétendent donner la parole sans médiation, ils ignorent que leur propre position d’énonciation est marquée par les privilèges du savoir et du pouvoir. »

Sur le sati et les femmes subalternes (traduction littérale) :

Le sujet de l’énonciation du sati n’est ni entendu ni visible. Ce n’est pas la veuve qui parle. Ce sont les colonisateurs ou les nationalistes qui parlent pour elle, qui l’effacent dans leur discours.

Conclusion célèbre

Le subalterne ne peut pas parler. Il n’y a pas de parole subalterne reconnaissable, car elle est immédiatement traduite, transformée, appropriée dans le réseau de la représentation dominante.

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3. Citations de Can the Subaltern Speak? en lien avec le déchet

La thématique du « déchet » peut en effet être liée à « Can the Subaltern Speak? » de Gayatri Chakravorty Spivak, notamment en lien avec l’idée de marginalisation et de réduction à l’invisibilité des subalternes, notamment en ce qui concerne les processus de réduction, d’effacement et de mise à l’écart des voix subalternes, comme des déchets sociaux ou culturels :

1. L’effacement de la voix du subalterne (réduit à l’invisible)

« Le subalterne ne peut pas parler. Il n’y a pas de parole subalterne reconnaissable, car elle est immédiatement traduite, transformée, appropriée dans le réseau de la représentation dominante. »

Lien avec le déchet :
Cet extrait peut être relié à l’idée que les voix des subalternes sont réduites au silence ou transformées en objets de représentation par des structures de pouvoir dominantes. Dans cette logique, les subalternes sont relégués à un statut de déchets invisibilisés dans le discours dominant, comme des restes ou des traces laissées de côté, non entendues.

2. Le rôle de la représentation et de l’effacement

Ce sont les colonisateurs ou les nationalistes qui parlent pour elle, qui l’effacent dans leur discours.

Lien avec le « déchet » :
Le sati (auto-immolation des veuves) est un acte de mise à l’écart, où la voix des femmes est effacée au profit d’un discours extérieur (colonialiste ou nationaliste). Ces femmes sont traitées comme des déchets culturels ou sociaux, réduites à un symbole ou une image, mais jamais comme des sujets ayant leur propre parole. L’acte de parler « pour elles » les dégrade à un rôle de dépôt ou de matière à manipuler par d’autres.

3. La subordination du subalterne à la structure dominante

Lorsque les représentants de la « marginalité » prétendent donner la parole sans médiation, ils ignorent que leur propre position d’énonciation est marquée par les privilèges du savoir et du pouvoir.

Lien avec le déchet :
Cet extrait fait écho à l’idée que les intellectuels ou les théoriciens qui prétendent « donner la parole » aux subalternes en fait les confinent à une position subordonnée, où leur parole reste détournée ou marginalisée. Ces voix subalternes sont donc reléguées en dehors du discours central, comme des éléments périphériques, voire des déchets intellectuels qui doivent être « nettoyés » ou « réformés » pour être acceptés dans le monde académique ou politique dominant.

4. La question de l’inaccessibilité à la parole réelle des subalternes

Les intellectuels, occidentaux ou non, doivent poser la question suivante : sommes-nous en train de critiquer un système de représentation, ou sommes-nous en train d’assumer à nouveau le rôle de représentants ?

Lien avec le déchet :
Dans cette citation, Spivak pose la question de l’inaccessibilité réelle de la parole des subalternes, et de leur réduction à des objets ou des concepts dans les discussions intellectuelles. Le déchet ici peut être vu comme l’effacement des voix réelles des subalternes au profit d’une réinterprétation qui ne les laisse jamais vraiment s’exprimer. Ces voix sont alors transformées en matière ou en « déchets » de discours.

5. Effacement au profit d’un autre discours

Le subalterne est d’abord un vivant condamné à mort, un mal vivant, qui doit être exclu pour que l’ordre soit restauré.

Lien avec le déchet :
Spivak montre que l’effacement des subalternes est essentiel pour maintenir l’ordre social ou politique. Dans cette logique, les subalternes sont réduits à des corps inutiles ou excédentaires, considérés comme des restes à écarter. Ce processus d’exclusion peut être rapproché de la notion de déchet dans le sens où certaines populations sont mises de côté comme des éléments obsolètes dans la structure dominante.

Conclusion générale :

Ces extraits, associés à la thématique du déchet, montrent comment les subalternes sont souvent réduits à une marginalité invisible, effacée ou rejetée. Ils sont intégrés dans des discours où leur parole est soit transformée, soit totalement évincée, ce qui les place dans une position de déchet social ou culturel : toujours en arrière-plan, jamais véritablement entendus.

Spivak montre donc que la voix des subalternes est structurellement impossible à entendre sans médiation, et que toute tentative de leur donner la parole risque de les effacer à nouveau.