V pour Vendetta

V pour Vendetta est une bande dessinée d’Alan Moore et David Lloyd qui se déroule dans une Angleterre futuriste devenue une dictature totalitaire. Un mystérieux justicier masqué, connu sous le nom de V, mène une campagne de sabotage et d’attentats contre le régime pour réveiller le peuple et détruire l’oppression. Il prend sous son aile Evey Hammond, une jeune femme ordinaire, qu’il entraîne dans son combat. L’œuvre explore des thèmes forts comme la liberté, l’anarchie, la manipulation politique et le pouvoir des idées.

Dans V pour Vendetta, le régime totalitaire est pensé comme un corps humain, où chaque institution joue le rôle d’un organe : l’Œil (surveillance), l’Oreille (écoute), la Bouche (propagande), le Nez (police) et le Doigt (répression). À la tête de ce corps se trouve le Leader, assimilé au cerveau, qui coordonne l’ensemble. Cette métaphore (du fascisme) montre une société où chaque partie fonctionne mécaniquement, sans conscience individuelle, au service d’un pouvoir central. En s’attaquant successivement à ces « organes », V cherche à provoquer la mort du corps social autoritaire pour permettre la renaissance d’une société libre.

Le Palais de V (la Shadow Gallery) raconte la mémoire culturelle et politique que le régime a tenté d’effacer. En y conservant des œuvres d’art, des livres interdits, de la musique et des symboles historiques (comme Shakespeare, la Bible, le Coran, des tableaux classiques), V montre que la dictature ne détruit pas seulement des vies, mais aussi l’héritage intellectuel et artistique de l’humanité. Ce lieu devient un sanctuaire de la liberté de pensée et de la diversité des idées, opposé à l’uniformité totalitaire. Il rappelle que l’histoire, la culture et l’art sont des forces de résistance, capables de survivre même sous l’oppression.

V fait souffrir Evey parce qu’il veut la libérer de la peur, qu’il considère comme le principal instrument de domination du régime. En la faisant passer par une fausse arrestation, l’isolement et la torture, il lui fait vivre ce que subissent les victimes du système totalitaire, jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’elle peut rester libre intérieurement même face à la mort. Cette épreuve cruelle vise à provoquer une renaissance : Evey abandonne son ancienne identité fondée sur la peur et la dépendance, pour devenir une personne autonome, capable de choisir et de résister. Le comics pose toutefois une question morale troublante : même si l’objectif est la liberté, les méthodes de V restent profondément discutables. C’est pour ça que V doit mourir.


V pour Vendetta : Evey Hammond et la libération par la relation

Vers une lecture féministe implicite de la révolution chez Alan Moore

V pour Vendetta n’est pas seulement une dystopie politique ou un récit de vengeance révolutionnaire : c’est aussi une œuvre qui met en crise le modèle traditionnel du héros révolutionnaire masculin et propose, à travers la trajectoire d’Evey Hammond, une redéfinition du sujet révolutionnaire. Là où V lui‑même incarne une figure de contrôle, de représentation et de violence spectaculaire, Evey, après son épreuve, ouvre une autre modalité de liberté, fondée sur la relation sociale et la responsabilité, plutôt que sur l’isolement héroïque ou la domination coercitive.

I. V et la logique du contrôle

Dans le comics, V propose une forme de révolution centrée sur la performance, la destruction symbolique et la violence contrôlée. Il opère comme une figure quasi mythique, porteuse d’idées destinées à survivre à sa propre disparition : « Derrière ce masque il y a plus que de la chair ; dessous ce masque il y a une idée… et les idées sont à l’épreuve des balles. » Cette citation illustre l’ambition de V : faire de la révolution une forme abstraite, presque transcendante, détachée du corps personnel et investissant les masses anonymes.

Ce modèle correspond à une vision héroïque, spectaculaire et verticalisée de la révolution, où la violence devient spectacle, médium et revendication. L’agent révolutionnaire doit non seulement ébranler l’ordre existant, mais aussi cristalliser l’attention du public sur lui‑même comme figure incarnée de la rupture. Dans ce schéma, ce sont souvent la colère, la vengeance et le contrôle de la narration politique qui légitiment l’action.

II. L’épreuve d’Evey : la prison, la peur, la liberté

La transformation d’Evey s’opère dans un lieu central de la critique des structures de pouvoir : la prison, mais pas simplement comme lieu de souffrance isolée.

« Vous êtes dans une prison, Evey. On vous a offerte un choix entre la mort de vos principes et la mort de votre corps. Vous avez dit que vous préféreriez mourir. Vous avez affronté la peur de votre propre mort et vous étiez calme et immobile. La porte de la cage est ouverte, Evey. Tout ce que vous ressentez est le vent venant d’en dehors. »

Dans cette scène, la peur elle‑même devient l’objet théorique de la libération. V ne libère pas simplement Evey physiquement : il l’amène à comprendre que la prison, comme structure mentale et sociale, fonctionne par la peur, y compris la peur de la liberté. Cette séquence est décisive pour son « entrée dans la subjectivité », comme l’analyse critique d’ImageTexT : Evey fait l’expérience de sa propre liberté non pas comme autonomie isolée, mais comme transformation intérieure profonde, liée à la reconnaissance de soi hors de la peur imposée par le pouvoir oppressif. (imagetextjournal.com).

V sauve, enferme, décide de la destinée de Evey, l’inquiète, la punit pour l’éveiller, la torture. Bref, V est lui-même ce qu’il combat. En 2025, on le dirait masculiniste, doué d’une masculine toxique. Dans la BD, la liberté qu’Evey incarne n’est pas individualiste au sens libéral du terme. Elle n’est pas une autonomie coupée des autres. Au contraire, le premier geste d’Evey après avoir laissé V mourir (couper le lien du patriarcat) et avoir lancé le train qui signera la fin de la domination, c’est le lien : elle se rapproche du jeune inspecteur (Dominic Stone). Ce détail est essentiel, et souvent écrasé par la lecture « filmique ».

Cela change nettement l’interprétation :

  • Evey ne remplace pas une figure d’autorité par une solitude héroïque.
  • Elle ne se retire pas du monde.
  • Elle réintroduit la relation humaine là où V avait tout sacrifié à la cohérence idéologique.

V fonctionnait dans une logique verticale et abstraite : le peuple comme masse, la liberté comme choc, la justice comme équation.
Evey, elle, agit dans une logique horizontale : attention à l’autre, reconnaissance de la fragilité, reconstruction du social à partir de liens concrets.

C’est là que la lecture féministe gagne en précision :
👉 il ne s’agit pas d’« individu contre le système »,
👉 mais de relation contre domination.

Le féminisme implicite du comics ne valorise donc ni l’isolement ni l’autosuffisance, mais une sortie du fantasme masculinisé de contrôle total — fantasme qui détruit aussi bien les autres que celui qui l’exerce. En se liant à l’inspecteur, Evey montre que la liberté ne naît pas seulement de la destruction du pouvoir, mais de la capacité à faire confiance après la terreur.

III. Libération relationnelle vs révolution héroïque

Après cette transformation, la liberté d’Evey ne s’exprime pas par la continuité du modèle de V, mais par un rapprochement relationnel significatif : elle ne choisit pas l’isolement, l’autosuffisance ou la représentation héroïque, mais le lien avec le jeune inspecteur Dominic Stone. Ce geste est symboliquement fort : contrairement à V, qui opère dans la solitude spectaculaire ou dans la substitution d’un mythe personnel à la réalité sociale, Evey ouvre un espace commun, acceptant la responsabilité avec autrui.

On peut voir ici une féminisation symbolique de la révolution : non pas au sens d’une « douceur essentielle », mais d’une pratique de liberté orientée vers l’autre. Là où la loi révolutionnaire de V est capable d’écraser toute singularité au profit d’une idée monolithique, l’attitude d’Evey reconnaît la liberté du sujet dans un contexte partagé, c’est‑à‑dire comme relation, non comme isolement héroïque.

IV. La remise en question du modèle viril de la violence

Le parcours d’Evey est également une critique implicite du modèle masculin traditionnel de la violence comme instrument de libération. Le récit des lettres de Valerie Page, une femme emprisonnée pour ce qu’elle est, offre une contre‑narration forte à V : elle témoigne de l’humanité, de la souffrance et de la résistance dans des conditions où la clef révolutionnaire n’est ni la vengeance ni le spectacle, mais la mémoire, la dignité et la narration personnelle. Par cette mise en abyme, Moore signale que l’émancipation ne se réduit pas à la force ou à la domination, mais inclut la restitution de la parole et de la mémoire comme vecteurs de liberté partagée.

V. Conclusion : vers une révolution relationnelle

Dans V pour Vendetta, la figure d’Evey Hammond nous montre que la révolution ne consiste pas seulement à faire exploser des symboles ou à incarner une idée éternelle : elle consiste à réinventer notre rapport à l’autre et à l’espace social commun. La liberté, dans cette lecture, n’est pas un concept abstrait ou un simple retrait de la peur, mais une relation : un espace partagé, fragile et négocié entre sujets libres.

Cette perspective s’oppose à la figure masculine et héroïque de la révolution violente, souvent valorisée dans les récits politiques : elle propose plutôt une politique de la transformation intérieure et collective, dans laquelle la responsabilité, le lien social et la reconnaissance mutuelle deviennent les conditions mêmes de l’émancipation.

Le lien avec l’humain, et la femme en particulier, est totalement coupé. From Hell, c’est l’histoire de jack l’éventreur. ..

si je me suis lancée dans la Bd, c’est grâce à Alan Moore;