Analyse d’un hybride (le Neumaticarbol), décoloniale et anthropologique, intégrant l’histoire de l’île de Colón et la matérialité du déchet, à partir des images de l’arbre et du pneu.
PAGE EN CONSTRUCTION : histoire
🛞 (neumatic)+ 🌴(Arbol) = neumaticarbol
Ici, ce résidu, -le pneu-, (latex transformé) semble destiné à être absorbé par le vivant. Non pas détruit, ni rejeté, mais intégré, transformé, absorbé par une matière soeur : l’arbre. L’arbre n’efface pas le pneu : il pousse avec lui, autour, de plus en plus contre et au-dessus, au fil des années. Par contre, le pneu s’efface au regard extérieur des humains, absorbé par les racines du palmier. Habitacle, il accueille d’autres espèces, animales, végétales, …


Hybridation, déchet et mémoire coloniale sur l’île de Colón : lecture décoloniale d’une image organo-artificielle
Un arbre entoure un pneu. Ou plutôt : un arbre engloutit un pneu, le digère à sa manière. Le caoutchouc, -matière végétale, résine, latex-, autrefois manufacturé pour la route, est maintenant pris dans la croissance lente du tronc et des racines. Car le caoutchouc est « de la famille végétale, il est « du sang d’arbre », il faut entailler son tronc pour extraire le latex.
Une scène banale, un symbole puissant
Pour une ethnologue belge, cette image ne relève pas simplement de la poésie environnementale. Sur l’île de Colón, au Panama — espace nommé en « l’honneur » de Christophe Colomb, terre marquée par l’histoire coloniale, les trajectoires diasporiques africaines forcées, et les luttes autochtones, ce motif devient profondément politique. Il devient glocal : ici, on me dit « Ahhh belge, ceux qui coupaient les mains aux enfants pour obtenir du latex… ». cet autre « sang de l’arbre, sang des mains coupées d’enfants pour plus de rentabilité est une autre pollution d’atmosphère … //Frantz Fanon
Colón : une île de strates
Colón est : une zone de plantation => Plantationocène
- Un lieu de passage transatlantique, fréquenté dès le XVe siècle par les flottes coloniales espagnoles, e.a. => Miskitos du Nicaragua, révolutionnaire mexicain, anglais, … Historiquement libérale (Price A., R., P., La vida y Tiempo de José Antonio Price, Narrative oparea adultes, ed. Fuga, 2017, Panama
- Une zone de travail forcé, peuplée par des descendants d’esclaves africains, puis par des ouvriers antillais recrutés pour le canal.
- Un territoire de plantations : de bananes Chiquita, de « touristes » (tourisme de plantation)
- Un territoire où vivent encore des peuples autochtones comme les Ngäbe-Buglé, souvent marginalisés par les logiques d’État et de développement, et aussi des Kunas, « déportés »/déplacés sur cette île à cause de la montée des eaux (réfugiés climatiques).
L’île porte en elle l’hybridation forcée : non pas la célébration naïve du métissage, mais une cohabitation complexe, née de la domination, de la résistance, du contournement.
🌍 Provincialisation de l’Europe /Occident
L’impur comme forme de survie/vie ?
Dans Purity and Danger, Mary Douglas rappelle que le sale, l’impur, ce n’est pas le mauvais, c’est ce qui dérange l’ordre.
Le pneu dans l’arbre, c’est cela : un objet déplacé, sa fonction apparente (peut-être un banc à l’ombre pour les élèves ou un parterre de fleurs) est en train. de disparaître, c’est un résidu de l’économie extractive utilisé pour autre chose.
👉 Cette scène illustre ce que Douglas appelait une crise symbolique — mais relue ici dans une perspective décoloniale, elle devient résilience et Une manière de croître à partir du désordre hérité (= déchet colonial ?)
Résistance des matières végétales : pneu (matière végétale initialisée et modifiée) et arbre cohabitent et s’hybrident, entrent en symbiose, comme avec d’autres insectes et végétaux, lichens, oiseaux et parasites, … => biotope
Ici, à Colón, ce pneu revient au sol, mais pas dans une boucle écologique « traditionnelle », mais dans une forme mutante, ou (mutée ?) où le Vivant arbre(pur) fait (un impur ?) avec la matière latex mutée par l’industrialisation, et porteurs d’espaces pour de nouvelles espèces, et de dilution de cette matière plastique ? => page en perspective
Le pneu : matière coloniale, trace d’un monde mondialisé
le Belge a maintenant deux tristes histoires, ici, sur le continent : le FAL, et les mains tranchées des enfants congolais par les exploitants belges.
Le pneu, en tant qu’objet, n’est pas neutre :
- Il est issu du caoutchouc naturel, ressource au cœur de la colonisation de l’Amazonie (cf. Putumayo, Congo belge).
- Il renvoie à la mobilité industrielle, donc au capitalisme logistique qui a structuré les empires coloniaux.
- Il devient déchet, souvent exporté vers le Sud global.
- Il est un symbole de modernité, d’aisance financière (la voiture) => objet de valeur, qui garde sa valeur d’où le désir de transformation ?
- C’est une matière durable agréable à travailler, un peu comme du cuir, d’où de très vastes utilisations possibles en « deuxième main » => désindustrialisation, reterritorialisation,…
- Le pneu se désindustrialise dès lors qu’il sort du circuit (véhicule) marchand => il devient une matière utile pour les artisans, les habitants, les jardiniers, pêcheurs, riverains, …….
🧬 Hybridation matérielle et culturelle : une condition postcoloniale ?
L’arbre, en intégrant le pneu, devient un corps hybride :
- ni pur
- ni « naturel »
- peut-être sanctuaire de biodiversité idéalisée ?
- produit de l’occidentalisation, du capitalisme, symbole de la modernité : la route qui accueille les pneus-véhicule.
Mais cela rejoint les corps humains issus de l’histoire coloniale de Colón :
- Afro-descendants, autochtones, métis… tous héritiers de circulations contraintes, d’identités composites, de mélanges imposés.
- Comme l’arbre, leurs existences incorporent des restes d’un ordre violent, tout en y résistant.
C’est une écologie du compromis, une ontologie du bricolage. Cf. littérature
Le déchet n’est pas la fin : mais est-il matrice de la post-colonie ?
Ce que la modernité coloniale a laissé derrière elle — pneus, plastiques, marges sociales — ne disparaît pas.
L’image nous montre que le vivant, qu’il soit végétal ou humain, n’efface pas les déchets : il les reconfigure.
Et cela a un pouvoir politique :
L’arbre devient archive. Le pneu, stèle fossile d’un système-monde. Le tout forme un monument involontaire du postcolonialisme/de l’anthropocène, une métaphore des métissages/hybridation.
Conclusion : Colón, pneu, arbre – et ce que nous devons voir ou ne pas voir ? Il faut regarder/ imaginer/ le rendre imaginable le neumaticarbol pour le reconnaître.
Cette scène est une mémoire visuelle de la pollution industrielle, mais aussi de la résilience symbolique des territoires dominés/contaminés.
Le pneu n’est pas détruit : il est contenu, avalé, transformé en base de croissance.
colonialisme, flux économiques globaux,
L’usager redonne vie à l’objet usagé; il change la donne => son abandon permet l’hybridation => cf. Liboiron : que faire quand le biotope est un déchet ? supprimer le déchet et la vie qu’il abrite ? Garder le biotope ?
Comme Colón.
Comme les sociétés afro-caribéennes.
Comme toutes les vies tressées par l’histoire coloniale, obligées de faire corps avec l’impur, non pour s’y perdre, mais pour revenir autrement => les lianes de la Jungle, le puzzle du Paysan, … Le un-infini ? Comment se joue-t-il des « phénomènes : gentrification, tourisme de masse, désindustrialisation (fin de Chiquita),…
Conflits fonciers à Bocas del Toro : Thampy